Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/126

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Cette question, elle se la posa d’abord à elle-même, en vaquant aux soins de sa toilette, que sa préoccupation rendit moins longs qu’à l’ordinaire, puis elle la discuta avec San Giobbe, sur qui elle s’était, depuis des années, habituée à s’appuyer dans les instants de trouble. Elle avait avec ce vieil amant, devenu son vieil ami, cette complète intimité d’esprit qui semble un si doux privilège de la vie conjugale. Mais Mme Nortier ne vivait-elle pas avec San Giobbe comme avec un mari, dans une union de tous les jours, de toutes les heures, quelquefois, comme aux eaux, ou ici à la campagne ? N’était-elle pas arrivée à s’estimer de cette liaison unique, quand elle se comparait aux femmes de son monde, et à la multiplicité de leurs aventures ? Son mari légal, que toute jeune elle avait subi avec le secret dédain de caste d’une fille noble à qui ses parents ont imposé une mésalliance, lui était devenu un associé d’existence, le gérant, d’ailleurs fort habile, d’une espèce de raison sociale, où son apport, à elle, consistait à recevoir des visites et à en rendre, à figurer sur le devant de la loge Nortier à l’Opéra, dans des dîners,