Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/133

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Longuillon ? Qui sait ?… La seule hypothèse que San Giobbe ne pût pas même imaginer, c’était la réelle. Quoiqu’il commençât, avec les progrès de sa maladie, à redouter les profondeurs obscures qu’il découvrait dans le caractère de Nortier, la clef de l’énigme lui manquait. Il s’apercevait bien que cet homme avait des soupçons, mais c’étaient des soupçons rétrospectifs, croyait-il, et, par conséquent, invérifiables, et qui laisseraient toujours place au doute, il ne se rendait pas compte que ces soupçons étaient des certitudes, et accumulées vingt années. Des vengeances comme celle que Nortier avait osé rêver et exécuter ne sont explicables que par une blessure renouvelée pendant des jours et des jours. Si observateur que fût l’amant, il avait été comme la plupart des amants. D’instinct, il n’avait pas cherché à lire tout au fond de la pensée du mari, et il s’en était tenu à cette idée commode que le mari, comme la plupart des maris, ne cherchait pas non plus à savoir la vérité vraie sur la nature exacte des relations de sa femme avec lui. Et puis, même dans l’état d’infériorité où sa déchéance physique le réduisait vis-à-vis de Nortier,