Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/186

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tempes attendries allaient se griffer. Deux grands plis allaient rayer son cou délicat. L’ensemble demeurait exquis de mutinerie voluptueuse, mais qu’elle était fragile, cette fleur, trop épanouie et quasi miraculeuse par sa conservation, d’une grâce que j’avais connue triomphante ! Et j’étudiais de nouveau dans la glace celui que je considérais comme son jeune amant. Qu’elle était intacte, au contraire, la fleur de son adolescence, à lui ! Il serait un jeune amoureux encore, quand elle serait, elle, celte navrante chose : une vieille amoureuse. Un petit détail achevait de me rendre plus précise la différence de leurs âges. Ils avaient l’un et l’autre la même nuance de cheveux, — châtain clair avec des reflets blonds, — la même couleur des prunelles d’un brun très doux, et toutes sortes de mystérieuses analogies dans les gestes, une certaine façon de cligner des paupières par exemple, en avançant la tête. J’ai tant vu d’amants arriver à se ressembler que, sur le moment, je ne pensai pas à m’étonner d’une identité qui eût dû m’être une révélation. J’étais tout à ma romanesque hypothèse, et elle m’empêchait de voir une