Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/197

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petite imprudence qui éveillerait chez l’enfant le premier soupçon. Mais la pauvre fille était dans une de ces crises où nous subissons instinctivement, presque animalement, le besoin d’un témoin, d’un autre être à qui nous montrer, de qui implorer l’appui, par qui nous faire suggérer ce que nous n’osons pas vouloir. Par ce soir de détresse, je lui représentais cette chose, aussi souhaitée qu’inespérée : un confident qui l’écoutât, qui la comprît. Je ne m’en étonnai pas trop. Je l’ai constaté souvent, les écrivains qui font profession d’analyser les passions humaines produisent sans cesse de ces phénomènes d’une défiance ou d’une confiance également excessive, également imméritée. Certaines personnes ne peuvent se trouver avec eux face à face sans leur attribuer un pouvoir quasi magique de pénétration intime qu’elles réclament ou, suivant l’occurrence, dont elles ont peur. Elles ne se doutent pas que la force d’observation déployée par un auteur dans ses ouvrages n’est jamais directe. Ce n’est même pas une force d’observation, c’est une force de construction, et qui, au lieu de nous aider à bien voir, s’interpose le plus souvent entre nous