Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la passion de l’indépendance a jetés dans un milieu de tout point hostile à leur atmosphère familiale. Je m’appliquais à sentir au rebours de mes instincts les meilleurs. Absurde et dangereuse manie qui n’était pourtant qu’une manifestation déviée d’un besoin très légitime, celui de me constituer dans la vérité personnelle de mes goûts et de mes idées… Et pourquoi le cacherais-je ? En montant le lendemain, veille de Noël, avec la blonde Irma et la brune Zéphyrine, l’escalier de Charles Durand, sous le regard scandalisé du concierge, j’étais fier de mon rôle de jeune homme déjà si lancé dans la vie facile qu’en vingt-quatre heures il avait pu découvrir deux compagnes de réveillon aussi jolies que les deux pauvres modèles. Mon Dieu ! Dans quel hôpital ou dans quelle échoppe auront-elles fini ? Mais qu’elles étaient fraîches et rieuses et gaiement gamines le long des marches cirées de cette maison respectable ! — « Vous savez, » leur avais-je dit, « mon ami n’est pas de la Bande… » La Bande, c’était Maxime Fauriel, c’étaient Claude Larcher, Jacques Molan, André Mareuil… C’étaient… A quoi bon évoquer cette légion de spectres, — spectres