Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/38

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haute. Par ce lumineux et doux matin, il ne pensait pas à cette misère, et sa compagne de promenade, son amie de ses années de jeunesse, demeurée l’amie de ses années d’infirmité, la jolie Madeleine Nortier d’autrefois, ne pensait pas non plus à ce qui faisait son humiliation constante à elle : cette perte de sa beauté, qu’elle n’acceptait pas ! Et son acharnée défense contre l’âge aboutissait seulement à lui donner cet aspect falot et presque sinistre de tant de coquettes surannées. Elle avait eu la grâce frêle et svelte d’une figurine de Saxe, et, malgré des héroïsmes de régime, elle n’était plus qu’une boulotte sanglée. L’or adorable de ses cheveux tournait à 1 étoupe jaunie. Un or d’une autre qualité, beaucoup moins adorable, brillait dans son sourire, au coin de plusieurs de ses dents. La magie des voilettes blanches les plus savamment choisies n’empêchait pas que l’on ne devinât les innombrables rides qui plissaient son visage de blonde au teint fragile et que le temps avait comme délavé, comme fripé. Ses toilettes trop parées et trop jeunes tout ensemble accentuaient encore cette déchéance. C’est ainsi qu’elle portait, pour cette promenade