Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/40

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l’enfantillage des amours jeunes, si gracieux à vingt-cinq ans, si comiquement navrant à soixante ! « Ne regrettons rien, nous avons été bien heureux, presque trop… » Et la gravité de son accent, pour prononcer ce simple mot, révélait des pensées qu’il ne disait pas à la complice de ce bonheur défendu de tant d’années. L’Italien avait retrouvé, devant la mort approchante, toutes sortes de terreurs religieuses. Il redoutait l’enfer pour lui - et pour sa fille, cette formidable loi, cette réversion des fautes paternelles sur les enfants qui est le fond même du dogme chrétien. « Mais oui, » continua-t-il, « j’ai pu voir grandir Béatrice, tant jouir de sa jolie nature, de son cœur si droit, si frais, si simple, m’en faire aimer, la gâter !… Que de mes camarades j’ai connus qui avaient, eux aussi, une fille ou un fils dans les mêmes conditions, et comme ils avaient rompu avec la mère, ils ne pouvaient même pas embrasser leur enfant !… Il est vrai qu’ils n’avaient pas rencontré une Maddie… »

— « Ni elles un Nino, » fit Mme Nortier. — « Comme on rirait, » reprit San Giobbe en riant lui-même, « si on nous entendait échanger