Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout un homme d’affaires, c’est-à-dire quelqu’un de très net, de très carré, et qui ne finasse pas. Ça été mon unique habileté dans la vie. Elle ne m’a pas trop mal réussi… Vous m’avez vous-même formulé la seule objection qu’il y ait à faire à cette union… Ce n’en est pas une à mes yeux, et pour la raison que vous avez dite… Vous me plaisez, je vous plais. Nos caractères s’entendent, nos goûts aussi… Vous avez votre beau nom, ma fille aura sa belle fortune. Vous vous complétez merveilleusement… Donc, que le prince fasse la démarche, et ce sera : oui. » Cette fois, et tandis qu’il rivait d’un seul mot le premier anneau de la chaîne qui allait lier pour toujours la destinée de la plus charmante, de la plus tendre des créatures à un drôle avéré et qu’il savait tel, le mari trompé ne se prononçait intérieurement aucune phrase. Il voyait, dans la chambre noire de son cerveau, et cette jeune fille, et sa femme, et le vrai père. La sensation du mal irréparable qu’il leur faisait, à tous trois, à cette seconde, et sans même qu’ils le soupçonnassent, remuait dans cette âme de proie la fibre de cruauté qui s’y cachait tout au fond. C’était, en même temps, comme