Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/79

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si un baume se fût répandu sur une autre fibre, celle-là toujours déchirée depuis des années. Cette atroce joie était si intense, elle inondait son être intime à une telle profondeur, qu’une demi-heure après cet entretien, et comme il accompagnait Camille dans son coupé jusqu’au théâtre de la rue Richelieu, l’expression de ses prunelles, extraordinaires d’éclat dans son visage gris, comme figé, frappa la comédienne. Elle se demandait en gravissant les marches de l’escalier - elle était en retard - parmi les portraits des actrices d’autrefois, ses sœurs de l’autre siècle en grâce et en rouerie, en finesse de scène et en finesse de ville : — « Pourquoi Nortier tient-il donc tant à ce mariage ? A cause de la présentation au cercle ? Il est bien snob, mais pas tant que ça… Pour que sa fille soit princesse de La Tour-Enguerrand ? Il ne manquait pas de ducs pannés qui l’auraient épousée, et puisqu’en noblesse française duc est mieux que prince, lui-même me le disait l’autre jour ?… Par peur du mariage avec l’officier ?… Ce sera ça. La petite était prise de l’autre côté… Y aurait-il un moutard en route ?… » Et l’anarchiste Camille conclut en s’arrêtant