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la terreur en macédoine

Marko épargne seulement les tortures à ses prisonniers, mais n’entend pas leur faire grâce de la vie.

Un plus généreux ou un plus civilisé leur rendrait sans condition la liberté. Mais l’Albanais a conservé à travers les siècles, avec un vieux fond de férocité, un mépris absolu pour l’existence humaine. Il est demeuré un sauvage, un impulsif, c’est-à-dire un être de violence et de cruauté tempérées par des vertus innées chez les primitifs.

Il est intrépide, sobre, hospitalier, esclave de la parole donnée. Cette bravoure est légendaire. Depuis longtemps, depuis toujours, on peut dire : Brave comme un Albanais. La conquête de l’Albanie par Ali, le terrible pacha de Janina, en offre un exemple superbe. Quand ce conquérant sanguinaire envoya ses massacreurs dans les montagnes, il ne se trouva pas une femme, pas un enfant, pas un vieillard pour courber la tête sous le sabre et demander grâce. Et ce fut regorgement furieux, méthodique, inlassable de patriotes dont pas un seul ne fléchit devant le vainqueur.

Les femmes donnaient l’exemple d’une vaillance poussée jusqu’au délire. Elles mettaient le feu aux poudres, incendiaient les moissons, brûlaient les demeures, faisaient le désert. Puis, quand tout espoir d’échapper était anéanti, elles se prenaient par la main, entonnaient, dans une ronde funèbre, leur chant de mort et se précipitaient du haut des rochers ou s’élançaient dans les torrents.

La sobriété de l’Albanais est extraordinaire. Du moins celle du montagnard qui s’isole sur les cimes, dans de véritables nids d’aigles, et loin des villes ou des plaines. Il vit de riz, de farine de maïs délayée dans