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la terreur en macédoine

absolue. Pressurer les chrétiens, inventer de nouvelles contributions, trouver des ressources là où il n’y en a aucune, et attiser par tous les moyens possibles cette haine aveugle, fanatique, du musulman pour le chrétien.

Très fin, très habile diplomate sous son apparence de pandour, il affecte une sorte de brutal désintéressement, sait mettre le droit de son côté, et jure à tout propos qu’il n’a en vue que le bien de l’État.

Les gens de cette sorte sont nécessaires à des princes qui, comme le Sultan Rouge, passent leur vie partagés entre la peur et le besoin d’argent. La faiblesse du maître aime, en effet, à s’appuyer sur de tels serviteurs, braves, impitoyables, sans scrupules.

Aussi Marko est-il bientôt libre de tailler et de rogner à sa fantaisie sur ce vaste territoire dont il a su faire une véritable vice-royauté. On cherche à saper sa faveur naissante. On l’accuse de ruiner les finances de la province. Il répond par l’envoi au Trésor d’un million de livres, avec ces mots : « Qui veut la fin veut les moyens ! »

Un général connu et très bien en cour le dénonce comme inspirateur de complots imaginaires. Marko ne lui dit pas un mot. Il ordonne une revue des troupes de la garnison. À cheval tous deux et sabre au clair, ils passent côte à côte l’inspection.

Arrivé au milieu du front, Marko s’arrête, soufflette le général du plat de son yatagan, et lui crie :

« Tu es un misérable… un traître… défends-toi ! »

Le général pousse un cri de fureur, fait cabrer son cheval et se rue sur le vali. Les deux lames se croisent, se heurtent, étincellent. Ce combat étrange dure à peine trente secondes. D’un coup terrible, Marko