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la terreur en macédoine

des patriotes qui bondissent hors de la redoute.

Déjà les Turcs ont franchi le pont. On les voit, dans la pénombre, s’allonger, courbés, la baïonnette en avant, pendant que, en arrière, de droite et de gauche, leurs camarades font un feu nourri.

Protégés par ce feu croisé, les premiers débouchent sur le bord de la muraille de granit où s’appuient les trois sapins.

Décimés par les balles tirés à 50 mètres, les patriotes tombent foudroyés. Un désastre épouvantable menace la petite troupe. La citadelle de la révolution naissante va être envahie.

La liberté d’un peuple, cette liberté à peine entrevue, va donc être anéantie !

« C’est ici que je dois périr ! crie de sa voix éclatante le pope Athanase.

« Jetez le pont au fond du précipice !… hardi !… camarades, hardi ! je vais les arrêter… »

Il empoigne son fusil par le canon et fait un moulinet terrible. En un clin d’œil, les Turcs s’abattent autour de lui comme fauchés. L’espace un moment se trouve déblayé. Il y a une brèche dans la muraille humaine.

L’héroïque pope arrive à l’extrémité de la passerelle et, pour un instant, barre le passage à la troupe des assaillants.

Et de nouveau sa voix retentit, formidable :

« Attaquez le pont… derrière moi !… hardi !… et culbutez-moi tout ça dans l’abîme.

— Athanase ! je te le défends… crie Joannès qui comprend alors le sublime et terrible projet de son ami.

— Et moi, je veux vous sauver… vous sauver tous ! »