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la terreur en macédoine

d’Arménie… l’argile nationale, pourrait-on dire… la terre colorée en rouge par l’oxyde de fer hydraté.

« Rougi par les convulsions de la nature ou par les luttes homicides… notre sol est prédestiné… jadis le fer qui se désagrège… aujourd’hui le sang qui coule… c’est toujours et partout l’emblème et la couleur du meurtre…

— À l’autre équipe ! crie Michel en sortant rouge de la tête aux pieds de la tranchée, comme s’il émergeait d’un bain de sang.

— À notre tour ! » dit Joannès qui commande l’autre équipe.

Les robustes montagnards se ruent au terrassement avec une ardeur farouche.

Ils commencent à comprendre l’horreur de leur situation. Les paroles, bien que vagues, de leur chef les ont édifiés. Plus de munitions, pas de vivres et la perspective d’un siège sans merci avec les tortures de la faim !

Nul ne récrimine. Las de souffrir, électrisés par ce mot magique de Liberté ! ils sont partis volontairement, d’enthousiasme, offrant leur vie à la cause de l’Indépendance.

Tous ont pourtant laissé là-bas, dans l’humble chaumière, des affections sacrées. L’épouse !… la vaillante et fidèle compagne des labeurs quotidiens… les enfants dont on veut briser le joug !… Mais aussi, plus grand et plus cruel est le sacrifice, plus implacable sera la lutte ! Aussi ne vit-on jamais de soldats plus désintéressés, plus stoïques, plus dans la main de leur chef. Il est vrai que Joannès est plus qu’un chef militaire, c’est un apôtre d’indépendance, un héros d’abnégation, de longue date prêt au martyre.