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la terreur en macédoine

Bientôt commença, de la part du vainqueur, ce travail d’assimilation sans laquelle il ne saurait y avoir de conquête solide et durable. Patient et avisé, le gouvernement turc voulut d’abord s’attacher les chefs montagnards. La force était impossible. Alors, spéculant très adroitement sur les passions humaines, des agents subtils les accablèrent de prévenances, de cadeaux et d’honneurs. Puis, partant de ce principe qu’il suffit de diviser pour régner, ils semèrent parmi eux la discorde et rompirent avec une habileté diabolique le faisceau des résistance futures.

Entre temps commençait l’œuvre de conversion au mahométisme. Inutile de dire que les faveurs et les dignités allèrent en foule aux nouveaux adeptes de l’Islam.

Qui le croirait ? les premiers convertis furent ces fiers Albanais, les intrépides compagnons du grand patriote Scanderberg ! Et ils s’en trouvèrent si bien que presque tous ces chefs, vrais seigneurs féodaux, se firent musulmans.

Et, comme le dit si éloquemment M. Victor Bérard, pour ces consciences peu fanatiques, la conversion ne fut pas douloureuse : « Où est le sabre, là est la foi ! » lisait-on sur la lame de leurs sabres : et la conversion leur assurait tant de choses nécessaires à la vie d’un Albanais : le droit de porter les armes, de se tuer les uns les autres, d’opprimer le voisin slave ou grec — « de labourer avec la lance » comme chantaient déjà les Doriens, leurs grands-pères — et le droit aux broderies, aux galons, aux panaches !

On leur donna des titres de beys, et on les nomma chefs de clans avec le taugh pour emblème. Ils devinrent ainsi les maîtres absolus de groupes importants