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la terreur en macédoine

lugubre envahissement des chardons… faire travailler ces puissantes machines de labour, de fauchaison et de battage qui accomplissent en un jour la besogne d’un village… créer l’industrie du sucre, ressusciter celles de la soie, de la vigne et du coton….ramener l’abondance là où règne l’affreuse pauvreté…

« Et pourquoi non, avec notre chemin de fer auquel aboutissent les grandes lignes d’Europe, l’argent des millionnaires de Salonique et le bon vouloir du gouvernement ! » Les deux hommes écoutaient ravis, extasiés. Ces derniers mots font tomber à plat leur enthousiasme. Et Panitza interrompt vivement, pour protester :

« Là, chef, tu te trompes !

« Devenus riches, nous exciterions de plus ardentes convoitises et ces Turcs rapaces, féroces, nous pilleraient, nous rançonneraient de plus belle.

— Non ! car, sache-le bien : le Turc est plus besogneux qu’avide, et plus intelligent que besogneux.

« Il aurait été de son intérêt de protéger la Macédoine devenue la plus belle province de l’empire, le joyau de la couronne ottomane.

« Du reste, de puissants soutiens m’étaient acquis dans la haute finance d’Autriche, de France et de Russie… j’avais conquis à mon projet des banquiers, des diplomates et des industriels, et l’internationalisme de ces appuis en assurait la force.

« Donc, tout était prêt ! Je touchais au but et je revenais à mon nid, ce cher village de Salco, où m’attendait la douce fiancée que j’aimais depuis l’enfance… Nikéa la Belle… belle comme une déesse de l’antiquité païenne… avec une bonté d’ange !

« Et brusquement tout sombre, tout s’anéantit dans