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38 LES TYPOGRAPHES.

ches qu’elle s’était imposées, la Société typographique avait fini par triompher complètement en 1868. Les premiers Tarifs avaient été discutés et consentis par une commission de patrons et d’ouvriers, et ils furent en vigueur de 1843 à 1862. À cette époque le prix de toutes choses ayant augmenté dans une proportion très considérable, la profession de compositeur ne suffisait plus pour faire vivre son homme. La Société typographique essaya de faire adopter par les maîtres imprimeurs un Tarif plus rémunérateur. Ceux-ci, s’abritant derrière la loi sur les coalitions, refusèrent pour la plupart ou traînèrent les choses en longueur. Voyant que les pourparlers n’aboutissaient pas, la Société ordonna des mises-bas, c’est-à-dire la cessation du travail dans les maisons qui n’accepteraient pas le nouveau Tarif. Un grand nombre adhérèrent ; d’autres résistèrent et furent immédiatement abandonnées. Le chef de l’une d’elles, député au Corps législatif, vit ses ateliers désertés en un jour ; des arrestations et des poursuites eurent lieu ; les grévistes, malgré la défense de l’illustre Berryer[1], furent condamnés à la prison et à l’amende ; mais ils se virent bientôt graciés. Une nouvelle loi devenait

  1. Le grand avocat, qui était aussi un grand cœur, refusa de recevoir les honoraires qui lui étaient dus pour sa plaidoirie. Les typographes trouvèrent un moyen ingénieux et délicat de prouver leur reconnaissance : ils composèrent un volume des Oraisons funèbres de Bossuet, et en firent tirer un seul exemplaire qu’ils offrirent à Berryer. Cet exemplaire unique sera recherché par les bibliomanes de l’avenir.