Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/227

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La philosophie des anciens était surtout une classification : celle de Boehme sera une construction. Le problème de la genèse s’est substitué à celui de l’essence des choses. Et comme l’être dont on cherche ici la genèse et dont le mouvement interne doit expliquer la nature est expressément la personne consciente, libre et agissante, le système que nous allons étudier nous apparaît comme l’aurore d’une philosophie nouvelle, qu’on peut appeler la philosophie de la personnalité, considérée en elle-même et dans ses rapports avec la nature.

Quelle méthode Boehme préconise-t-il pour cette recherche ?

Il s’agit, ne l’oublions pas, de voir découler l’être de sa source première, c’est-à-dire de saisir le passage de rien à quelque chose. Or, pour un tel objet, les moyens dont dispose la philosophie ordinaire sont impuissants. Que nous donnera l’érudition, sinon des opinions, des idées abstraites ? La Bible même, si l’on y cherche la lumière sans remonter au delà n’est qu’une lettre morte, un symbole qui ne s’explique pas. Et il en est des sens et de la raison comme de l’érudition. Les sens ne nous font connaître que les dehors figés et les produits des choses, non leur fond et leur vie interne. La raison extérieure, ou élaboration naturelle des données de l’expérience, est morte comme les matériaux qu’elle assemble. Elle analyse, elle sépare ; et les objets qu’elle considère, ainsi arrachés au tout vivant dont ils faisaient partie, ne sont