Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/246

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essence, l’inquiétude, ou mouvement incessant d’une âme qui ne trouve pas son bien en soi et qui ne sait où le chercher. Les deux forces qui sont dans l’âme, la force de concentration et la force d’expansion, se contredisent, et pourtant ne peuvent se séparer l’une de l’autre. Vide en elle-même, l’âme ne peut se fixer dans l’égoïsme : mue par l’égoïsme alors même qu’elle sort de soi et cherche son bien au dehors, elle ne peut atteindre à l’abnégation et à l’amour. Elle se fuit et se cherche. Ce mouvement inquiet est celui de la roue, mouvement qui n’arrive à aucun but et qui cependant se poursuit toujours. La troisième essence a donc pour expression la rotation, ou combinaison de la force centripète et de la force centrifuge. Elle fait le fond du soufre des alchimistes.

La nature, par elle-même, s’élève jusque-là, mais là s’arrête sa puissance. Elle a secoué le lourd sommeil et la basse quiétude de l’égoïsme, elle a cherché hors d’elle l’objet qu’elle ne trouvait pas au dedans. Mais pour l’oeil du corps l’infini extérieur n’est pas moins vide que l’infini interne ; et l’âme n’a réussi qu’à se livrer à deux impulsions contradictoires et à se mettre au rouet. Cette contradiction intérieure d’un être qui cherche le repos par l’agitation est un supplice insupportable ; mais la nature, par elle-même, ne peut y mettre fin. Elle a épuisé ses ressources : rien de ce qui est en elle ne la tirera de sa condition. Le salut ne peut venir que de ce qui est au-dessus de la nature, à savoir