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IV


La connaissance de la genèse divine est la première qui nous soit nécessaire pour arriver à posséder Dieu. Mais elle ne suffit pas. Ce fut l’erreur des mystiques de croire que toute science était comprise dans la science de Dieu. La nature et l’homme ne s’expliquent pas par une simple diminution de l’essence parfaite. Il y a dans les créatures quelque chose qui leur est propre, qui les distingue de Dieu, et qui même leur permet de se révolter contre lui. Le mal, œuvre des créatures, n’est pas un non-être : c’est un être qui dit non ; c’est la haine qui veut détruire l’amour, la violence qui veut briser la loi. Il y a donc une science de la nature, distincte de la science de Dieu. La difficulté est de rendre compte de cette distinction, tout en maintenant le rapport de dépendance qui doit relier toute science à la science de l’être absolu.

Le premier problème que soulève l’existence de la nature est celui de la création. Boehme ne saurait adopter à cet égard la doctrine appelée communément théisme. Selon cette doctrine, Dieu tirerait le monde du rien absolu, c’est-à-dire le créerait par sa seule volonté infinie, sans y employer aucune matière, soit sensible, soit suprasensible. Mais un tel monde serait sans réalité véritable, parce que la réalité n’en serait pas fondée en Dieu. Ce serait un monde purement possible et idéal,