Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/262

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de la matière comme contraire de l’esprit, et en donnant cette matière pour corps à l’esprit divin, que l’on peut concevoir la personnalité divine comme réellement existante. Mais, d’autre part, le Dieu personne doit demeurer l’être infini en dehors duquel rien n’existe par soi. Le dualisme répugne à la pensée religieuse, qui veut que Dieu ne soit pas seulement une forme et un idéal, mais l’être tout-puissant et indépendant. Il faut donc que la matière ne soit pas un premier être au même titre que Dieu, mais que son existence résulte d’une opération de la puissance divine. Comment la matière pourra-t-elle sortir de Dieu et être en même temps le contraire de Dieu ? Boehme résout la difficulté en disant que Dieu, pour se révéler, s’objective et se réalise lui-même, et que cet objet et cette réalité extérieure, quoique posée par Dieu, ne se confondent pas avec lui, parce que la volonté qui est le fond de son être est infinie et ne peut se perdre dans ses efforts. Ainsi Dieu lui-même a une nature ou un corps qui n’est pas lui et qui forme son existence réelle ; mais ce corps est posé par Dieu et n’est autre que sa volonté même, vue du dehors. Dans ce phénomène de Dieu, le mystère éternel se révèle, sans que jamais la révélation dissipe le mystère. La nature est de l’essence de Dieu, mais Dieu est indépendant de la nature. Ce système est une sorte de spiritualisme concret ou naturaliste.