Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/285

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Tout cela est bien. Mais écoute cet À B C de la sagesse : Ne mets pas ton âme dans cette vie extérieure. N’enchaîne pas dans cette prison ton libre esprit. Si tu gardes ta liberté, tout te réussira dans le monde. Car tout, pour qui sait entendre, chante les louanges de Dieu. Les fautes mêmes que pourra commettre ton compagnon terrestre n’atteindront pas ton âme et lui seront utiles. Une action n’est pas une habitude, et un arbre vigoureux se redresse sous le vent qui le fouette. En voyant faillir l’homme extérieur, tu comprendras mieux combien la nature est faible et combien grande et puissante est la miséricorde divine. Mais que l’homme ne s’imagine pas que, dans sa vie terrestre, il puisse jamais être dispensé de la prière et de l’effort. L’homme est et demeure libre, et n’est, en conséquence, jamais confirmé dans le bien. Le temps ne peut contenir l’éternité. Si forte que soit notre attache à Dieu, nous demeurons sous la puissance du diable. La lutte contre le mal est, jusqu’au bout, notre condition en ce monde. Que nous nous relâchions, et la nature nous ressaisit : la forme où se réalise l’esprit l’enserre et l’emprisonne, dès qu’il cesse d’agir. Il nous faut à tout instant nous reprendre, renouveler notre naissance nouvelle, recréer Dieu en nous. Et ce n’est qu’au terme de notre vie que, développé par nos constants efforts, se dresse indéracinable l’arbre de foi, d’espérance et d’amour.

Ainsi se prépare, dans le monde du temps, le rapprochement du bon et du mauvais principe et la reconsti-