Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/286

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tution consciente et définitive de l’unité primordiale. Toute fin tend à rejoindre son commencement, mais en remontant plus haut, jusqu’au point fixe d’où dépend ce commencement même. Tant que l’homme est un corps terrestre, il peut et doit choisir. Mais avec sa nature temporelle disparaît la contingence de ses actions. La mort l’introduit dans l’éternité. Le fruit de ses libres déterminations est maintenant mûr : il se détache ; et ce qu’il est, il l’est définitivement. L’homme donc, selon la nature qu’il a créée en lui, appartient désormais à Dieu ou au diable. Son libre arbitre s’est changé, soit en liberté et en amour, soit en caprice et en violence.

La fin dernière des choses est ainsi le dualisme définitif du bien et du mal, en tant qu’œuvres de la volonté libre à l’origine, Dieu a engendré le bien et le mal en tant que possibles, c’est-à-dire qu’il a créé les conditions et les matériaux des bonnes et des mauvaises actions. De la manière dont se sont comportés les êtres libres est résultée, en fait, la réalisation des deux possibles que Dieu avait formés. Des deux côtés l’être a passé par trois phases : le possible, le fait contingent, la détermination définitive. C’est en traversant la volonté consciente que l’idée est devenue chose, le possible nécessaire. Le royaume de Dieu est l’harmonie désormais indestructible de l’esprit et de la nature. Les individus y subsistent, et continuent à se distinguer les uns des autres, sans quoi il n’y aurait plus de nature ; mais ils vivent sans lutte, chacun selon son caractère : ils sub-