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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

nante, à la précision et à l’ordre démonstratif, le mouvement, l’accent, l’originalité, la couleur, l’esprit, le charme même, ou l’ironie, ou la hauteur, selon la passion intellectuelle qui traverse l’âme de cet amant de la vérité. Quelque impression que l’on ressente au premier abord, en s’embarrassant parfois dans ces longues phrases qui veulent un lecteur actif et capable de déduction, on ne tarde pas à éprouver le prestige de ce style magistral. Et aujourd’hui même, il suffit que la manière d’un écrivain rappelle par quelque endroit celle de Descartes, pour qu’on en célèbre à l’envi la supériorité et l’austère séduction.

Enfin pourquoi ne rappellerions-nous pas les motifs particuliers que nous avons, comme Français, pour souhaiter que les œuvres de Descartes se répandent le plus possible chez nous et à l’étranger ?

Descartes est l’une des expressions les plus pures et les plus belles du génie de notre race : la diffusion de ses pensées, c’est notre vie et notre influence.

Nous aimons la raison, intermédiaire entre l’esprit de positivisme, qui s’en tient au fait proprement dit, et l’esprit de mysticisme, qui tend à croire, sans réclamer de preuves. De toutes les qualités intellectuelles, celle que nous prisons le plus est le jugement, aux yeux de qui l’expérience et le raisonnement mêmes ne sont sources de vérités que s’ils sont soumis au contrôle de l’esprit. C’est en ce sens que nous recherchons la clarté et l’ordre des idées. Il ne nous suffit pas