Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/318

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culture méthodique de la raison, l'homme est parvenu à connaître les principales vérités d'où dérivent les lois de la nature, à la maxime : « Suis la nature », il substitue, en un sens précis et positif qu'ont ignoré les anciens, cette maxime : « Suis la vraie raison  ».

La doctrine d'un contenu propre de la raison et de la possibilité pour l'homme d'y conformer les choses imprime à la morale cartésienne un caractère original. En face d'une nature mystérieuse et inflexible, les anciens ne savaient que contempler et acquiescer, ou se replier sur eux-mêmes. Avec Descartes, la raison, appuyée sur une science qui lui livre les choses, devient une puissance efficace, une force naturelle, et elle se donne pour tâche d'employer à son propre perfectionnement le mécanisme de la nature. Ainsi, tandis que Socrate jugeait irréalisable et sacrilège la prétention de pénétrer les causes des phénomènes physiques, tandis que les stoïciens plaçaient dans le détachement des choses extérieures le principe et le terme de la félicité, Descartes ne voit pas de bornes aux conquêtes que la science pourra faire sur le monde et, par la science, la raison [511] humaine. Tandis que les stoïciens ne savaient que condamner la passion, où ils retrouvaient la violence et l'indiscipline de la nature brute, Descartes l'apprivoise, en en pénétrant les causes, et la change en auxiliaire de la raison. L'homme n'est plus écrasé par la nature : il