Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les plus élevées de la métaphysique. L'une et l'autre se fondent sur la science, si l'on prend ce mot dans son sens cartésien, c'est-à-dire si on l'entend de la connaissance claire et distincte, tant des choses corporelles que des choses spirituelles. [510] Mais la seconde ne peut être dérivée de la seule science de la nature, dans le domaine de laquelle la raison et la volonté ne sont pas comprises. Or, lorsque Descartes s'occupe de définir cette morale supérieure, il est naturel qu'il rejoigne les stoïciens et autres philosophes de l'antiquité, pour qui la culture de la raison était déjà l'intérêt suprême. La raison humaine n'a pas changé d'Aristote à Descartes. Les expressions les plus parfaites qu'elle ait rencontrées depuis que les hommes réfléchissent viennent ainsi prendre place dans le système cartésien, non comme des pièces de rapport, mais comme des parties intégrantes.

Il s'en faut d'ailleurs qu'elles y soient transportées telles quelles. La morale stoïcienne, en particulier, n'est pour Descartes qu'une morale provisoire. Tâcher à se vaincre plutôt que la fortune est, certes, le parti le plus sage, tant qu'on est impuissant à modifier le monde extérieur. Mais la philosophie cartésienne nous en assure précisément le pouvoir. Elle substituera donc à une morale d'abstention une morale positive et active. De même, chercher dans l'ordre des choses elles-mêmes les règles de sa conduite est ce qu'il y a de mieux à faire, tant qu'on ignore les principes de cet ordre. Mais lorsque, grâce à une