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cherchant sans doute des ouvrages propres à lui fournir des matériaux, il rencontra la Recherche sur l’entendement humain de Thomas Reid. Le nom de l’auteur et la valeur de l’ouvrage ne pouvaient manquer de lui être connus. Il feuilleta le livre, en fut ravi, et l’acheta pour un prix à son gré trop modique.

Cet incident joua un rôle dans la direction de son enseignement comme cause occasionnelle. Il n’en est pas d’un professeur comme d’un écrivain. Il faut que le professeur apporte, à l’heure marquée, une doctrine, des idées arrêtées, des résultats précis aisément saisissables. Or, souvent, ses propres idées sont encore confuses et mal établies. Le mieux alors est qu’il commente un bon auteur et s’appuie sur lui pour chercher à son tour. Méthode classique, d’ailleurs, à laquelle Kant se soumit encore, car il lut d’abord, à ses leçons, Wolff et Baumgarten : son originalité n’y perdit rien. Pour ce qui est de Royer-Collard, un trait distinctif de son caractère était le sentiment inquiet de la responsabilité. Il résolut donc de se retrancher d’abord derrière Reid, comme derrière le maître éprouvé qui avait parcouru avec succès la carrière où lui-même se proposait d’entrer.

Quand il ouvrit son cours, le 4 septembre 1811, il parla principalement de la méthode qui convient à la philosophie. On s’opiniâtre, dit-il, à poser d’emblée un principe unique et à en descendre par voie de synthèse, au risque de ne pas rejoindre les faits. C’est la voie contraire qu’il faut suivre. Il faut s’élever progressi-