Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/427

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vement des faits aux causes, sans prétendre arriver quand même à une cause unique. Suivons en cela les Écossais. Les célèbres écoles d’Édimbourg et de Glasgow font, de l’observation nettement définie comme observation par la conscience, la source constante de la science de l’esprit humain. Elles ne s’interdisent pas de remonter aux causes, mais elles ne songent pas à en déterminer le nombre d’avance, elles admettent autant de faits primitifs que l’analyse psychologique en laisse subsister. Et il se trouve qu’en suivant cette méthode vraiment scientifique, la seule qui puisse légitimement se réclamer de Bacon et de Newton, les Écossais ont fourni le meilleur moyen de combattre l’ennemi principal de l’âme humaine dans la vie de l’individu et de la société : le scepticisme. On ne fait pas au scepticisme sa part, dira Royer-Collard en 1813 : qui doute de la réalité du monde extérieur, n’a pas de raison pour croire à l’existence des personnes et à la valeur des liens moraux qui les unissent. Or, la philosophie écossaise détruit le scepticisme, et, par là, elle répond à nos besoins les plus urgents, tant pratiques que spéculatifs.

C’est ainsi que le difficile et indépendant Royer-Collard se confia docilement à Thomas Reid. Dans les premiers temps, il se contenta de traduire et commenter devant son auditoire de nombreux passages de son auteur. Ensuite, il chercha par lui-même, s’enfonçant dans ce problème de la perception extérieure, dont l’étude formait l’une des parties les plus solides de