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33. Il y a aussi deux sortes de vérités, celles de Raisonnement et celles de Fait[1]. Les vérités de Raisonne-


    S’il n’est pas contradictoire que je meuve mon bras à droite, il ne l’est pas davantage que je le meuve à gauche. L’explication n’est complète que lorsqu’on a montré pourquoi c’est tel possible plutôt que les autres, qui a été réalisé, pourquoi c’est telle assertion qu’il faut adopter, de préférence aux autres assertions compatibles avec les prémisses. Leibnitz avait commencé par donner à son principe le nom de principe de raison déterminante. Il se servit aussi du nom de principe de convenance et d’harmonie, parce que la raison de l’existence et de la détermination doit être cherchée dans l’accord de la chose en question avec les autres choses. Le terme de principe de raison suffisante, auquel il s’est arrêté dans la fin de sa vie, paraît emprunté aux mathématiques, où l’on distingue constamment entre la condition nécessaire et la condition suffisante. Le principe de contradiction énonce la condition nécessaire de la vérité ou de l’essence, mais non la condition suffisante, puisqu’il peut y être satisfait également d’une infinité de façons, et que tout ce qui satisfait ainsi au principe de contradiction n’est pas vrai ou existant. — Wolff, le célèbre disciple de Leibnitz, s’efforcera de faire rentrer le principe de raison suffisante dans le principe de contradiction.

  1. C’est la distinction aristotélicienne des propositions nécessaires et des propositions contingentes. Mais Leibnitz, suivant sa méthode générale, met sous des mots anciens des idées nouvelles. La nécessité et la contingence se ramènent chez lui au possible et au réel, à la non-contradiction interne et à l’accord avec d’autres possibles. Quel est le rapport des deux principes de nos raisonnements avec les deux sortes de vérités ? Dans les Remarques sur le livre de M. King, Leibnitz dit que l’un et l’antre principe doit avoir lieu, non seulement dans les vérités nécessaires, mais encore dans les contingentes (Erdm., p. 641 b). Dans une lettre à Clarke, 1715 (Erdm., p. 748), il dit que le seul principe de la contradiction suffit pour démonter toute l’arithmétique et la géométrie, mais que pour passer de la mathématique à la physique, il faut encore un autre principe, savoir le principe de la raison suffisante. Selon ce second texte, le principe de contradiction s’applique aux vérités contingentes comme aux vérités nécessaires, mais les vérités nécessaires proprement dites reposent tout entières sur le seul principe de contradiction. Les paragraphes 33-36 de la Monadologie nous montrent le principe de raison suffisante appliqué comme le principe de contradiction lui-même aux vérités nécessaires et en particulier aux vérités mathématiques.