Page:Boutroux - Pascal.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savants et des moralistes très remarquables. Tel Antoine Arnauld, le grand Arnauld, théologien consommé, solide philosophe, dont un Leibnitz briguera l’approbation ; tel le fin et aimable Nicole, le futur auteur des Essais de morale.

Ces pieux ascètes étaient, dans l’ordre des choses humaines, les apôtres de la raison. Ils appréciaient la philosophie de Descartes. Ils en goûtaient la réserve en matière religieuse, la méthode purement rationnelle en matière scientifique. De même, dans le style, ils cherchaient avant tout la clarté, la simplicité, l’effacement de la forme devant le fond. Ils avaient plus de gravité et de force que de couleur et de variété.

Le même esprit dirigea l’enseignement que donna Port-Royal dans ses Petites Écoles, rivales des maisons d’éducation des jésuites. On y veillait avant tout à l’innocence et à la pureté des enfants, on leur inspirait une piété intérieure et solide. En même temps on formait en eux l’esprit et la raison. Ni la routine ni même l’usage n’étaient acceptés comme lois : on cherchait les raisons des choses, on allait aux sources, on mettait les élèves en mesure de bien penser et bien juger par eux-mêmes.

Tel était Port-Royal quand s’y retira Pascal : une sorte de couvent laïque à côté d’un véritable monastère, un lieu de retraite, où l’on travaillait, avant tout, à pratiquer la morale chrétienne dans sa vérité.

Pascal y trouvait la solitude et l’esprit de piété intérieure que son cœur cherchait. Était-il attiré par le charme discret de ce vallon tranquille, fermé, coin de verdure et de silence à quelques lieues de