Page:Boutroux - Pascal.djvu/95

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la capitale ? La nature, en ce temps, ne parlait guère aux hommes de pensée, trop vivement touchés de tout ce que la réflexion sur soi-même leur faisait découvrir, pour donner une grande attention à la vie des choses. Pascal, par contre, vit-il dans le désert de Port-Royal ce vallon affreux, tout propre à inspirer le goût de faire son salut, qui fait peur à Mme de Sévigné ? Pas davantage. C’est de son âme seule que lui viennent ses impressions ; et tout ce qu’il demande aux objets environnants, c’est de ne point troubler ses entretiens avec Dieu.

Son premier soin, en s’installant à Port-Royal, fut d’abandonner tout ce qui pouvait avoir quelque apparence de grandeur. Il fit profession de pauvreté et d’humilité, et suivit, dans toute sa rigueur, le train de la maison. Il se levait à cinq heures du matin pour assister aux offices, et il joignait le jeûne à la veille, au mépris de toutes les défenses que lui avaient faites les médecins. Ce régime lui fut très salutaire. Sa santé s’en trouva bien, et une joie intense pénétra son âme. Il se voyait logé et traité en prince, selon le jugement de saint Bernard. La cuiller de bois, la vaisselle de terre dont il lui était donné de se servir étaient pour lui l’or et les pierres précieuses du christianisme. Il éprouvait que la santé dépend de Jésus-Christ plus que d’Hippocrate, et que le renoncement à soi est, dès cette vie, la source du bonheur.

Port-Royal avait accueilli sa venue avec une particulière reconnaissance pour le Seigneur. Quel témoignage de la grâce divine, que d’avoir inspiré l’humilité à cet esprit si profond, à ce philosophe si