Page:Boy - Histoires désobligeantes, Crès, 1914.djvu/17

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sait je le suppose, d’assister à son exécution, on en parlait dans les familles honorables, on était sans doute impatient de ce supplice, et il fut le témoin unique de l’exécution de la multitude !… Vous croyez, peut-être, que je vous sers un apologue. Eh ! bien, non. Ce condamné à mort, c’est vous-même. On a voulu vous exécuter par le silence et on n’a réussi qu’à faire de vous l’habitant solitaire d’une nécropole silencieuse.

— Mon cher Apemantus, ai-je répondu, je veux bien croire que vous ne me débitez pas un apologue, mais vous me paraissez atteint d’une bizarre monomanie. Vous voulez, à toute force, que je sois un persécuté et vous ne voyez pas que je suis, au contraire, un persécuteur. Interrogez nos contemporains. Tous vous diront que je suis un monstre et qu’il n’y a pas moyen d’échapper à ma dent féroce. On a beau me caresser, me couvrir de fleurs, me dire les choses les plus amoureuses, m’offrir de l’argent et des friandises, rien n’y fait. Sainte Marthe elle-même renoncerait à dompter une tarasque aussi farouche.

Je le confesse, il n’est pas en mon pouvoir de me tenir tranquille. Quand je ne massacre pas, il faut que je désoblige. C’est mon destin. J’ai le fanatisme de l’ingratitude. N’étant pas aveugle, je vois clairement que tout le monde est très bon, que, depuis les lys de pureté jusqu’aux plus notables ruffians, c’est à qui m’aimera le plus tendrement et me le prouvera par les sacrifices