Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/105

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leurs conjectures pour des réalités. C’est assez-là le défaut de tous les politiques : rien ne les arrête ; & ils trouvent aisément des raisons pour résoudre les difficultés les plus grandes. Ils pénètrent dans les cabinets des princes : ils sçavent ce qui s’y passe de plus caché ; & ils annoncent & prédisent la fin d’une guerre qui ne fait que commencer. Ils règlent enfin toutes les cours de l’Europe. Par malheur pour eux & pour leurs prédictions, ils sont aussi fautifs que les faiseurs d’almanachs.

Le tems, mon cher Isaac, démêlera le chaos confus d’idées que forment les hommes sur l’entreprise du baron de Newhoff. En attendant, suspendons notre jugement. Il y a dix ou douze personnes en Europe qui sçavent le secret de cette affaire : & elles doivent s’amuser infiniment des discours qu’elles entendent faire. Nous aurons un jour le même avantage qu’elles ont à présent. Lorsque la fusée sera démêlée, nous pourrons nous amuser à notre tour des vaines conjectures qu’on forme à présent.

Dès que je sçaurai quelque chose de nouveau, je te l’écrirai ; & j’aurai soin de m’informer exactement de ce qui pourra m’éclaircir. Au reste, on dit ici que ledit seigneur Théodore traite ses