Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/118

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excellentes.

Enfin, mon cher Monceca, malgré l’approbation que bien des gens ont donnée à ce livre, je le trouve mauvais, écrit d’un style guindé & obscur, n’offrant aucune idée vive à l’imagination, faux dans ses critiques, & peu exact dans ses jugemens.

Je n’oserois dire dans ce pays-ci ce que je t’écris ; car l’on y est extraordinairement prévenu sur cet ouvrage, & presque autant que sur la liberté des citoyens dont on parle à tous momens. Je te dirai pourtant que cette liberté dont ils font tant de bruit, ne regarde que les gens d’un certain rang ; car le peuple est plus soumis ici que dans aucun autre état. Chaque baillif dans ce pays est un petit souverain, qui, pendant tout le tems que dure son emploi, songe à profiter des avantages qu’il lui donne. Aussi le peuple gémit-il souvent du gouvernement de quelques baillifs : & il les aime aussi peu qu’il a peu lieu de s’en louer.

Tous les pays, mon cher Monceca, ont leur bon & leur mauvais ; & quand on a parcouru les différentes formes de gouvernement, on voit qu’à quelque chose près, ils approchent assez les uns des autres. Je ne parle que des nations Européennes, & j’excepte celles où l’inquisition exerce ses fureurs.