Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/120

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qui méritent plutôt son courroux que sa protection : puisqu’ils ont abusé de sa bonté, & qu’après leur avoir fait accorder leur grace par les Génois, ils se sont révoltés peu de mois ensuite, & n’ont employé les bienfaits de l’empereur qu’à favoriser les nouveaux crimes qu’ils méditoient.

Mais enfin, je veux, mon cher Isaac, que les Corses aient eu de justes raisons pour se révolter, & que la tyrannie des Génois les ait forcés à prendre les armes. Peut-on malgré cela se figurer un seul instant, que la cour de Vienne voulût recevoir les prétendus envoyés d’un aventurier, & de quelques misérables montagnards, au préjudice d’une république qu’elle a toujours protégée ? La majesté du trône impérial seroit souillée, si des gens de cette espéce y avoient un asyle. Les révoltés sont toujours odieux aux princes, dès qu’ils ne profitent pas de leurs crimes. Encore peut-on assurer avec raison, que les souverains aiment la trahison qui leur est utile, mais qu’ils haïssent le traître. Ils craignent qu’il ne s’élève dans leurs états des monstres semblables à ceux qu’ils trouvent dans les pays de leurs ennemis ; & s’ils récompensent quelquefois le crime, d’une main, ils cherchent un prétexte pour