Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/121

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punir le criminel de l’autre. Les Espagnols mésestimoient infiniment les François, qui trahissant leur patrie, abandonnoient leur légitime souverain. Ils s’en servoient comme de gens utiles à leurs desseins ; mais ils se fussent bien gardés de leur confier des places d’importance : ils étoient trop habiles politiques, & comprenoient que ceux qui ont pû manquer à leur légitime souverain, peuvent à plus forte raison trahir ceux auxquels ils ne sont attachés que par le crime.

Si nous observons, mon cher Isaac, les hommes qu’on a taxés avec juste raison de violer leur foi & leurs sermens, nous trouverons qu’ils ne se sont jamais arrêtés au premier parjure. Ils se sont acheminés peu-à-peu à se faire un usage de la trahison. Ils ont réduit ce crime en art & en science, & ont couvert du nom de politique leur mauvaise foi. Funeste aveuglement, qui sous le voile d’une précaution affectée, cache la fourbe, le parjure & la dissimulation.

Quelque nuisible que soit à la société le perfide talent de sçavoir adroitement se jouer de la bonne-foi des hommes, nous voyons cependant que bien des gens imbécilles, ou aveuglés par les préjugés, ont donné de grandes louanges