Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/146

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que celui d’un poignard enfoncé dans le cœur : sont des preuves convaincantes du pouvoir que certains philtres ont d’agir sur nos sens. Mais n’est-il pas absurde de soutenir qu’ils produisent des effets contraires à la nature, & changent l’essence des choses ? N’est-il pas ridicule de dire, qu’un breuvage a le pouvoir de faire naître du bois & des épines dans le cerveau d’une personne, de les en faire sortir pendant quelques momens, de les retirer ensuite dans ce même cerveau, comme dans leur étui ordinaire ? C’est ici où il faut rapporter cet axiome certain & reçu par tous les philosophes. Une chose ne peut communiquer ce qu’elle n’a pas. Or, comment une liqueur peut-elle produire du bois, & former la couronne de la Cadière ? Car lorsqu’elle eut cette fameuse extase, dans laquelle parut cette miraculeuse couronne, on convient que le pere Girard étoit absent. Il faut donc avouer que les philtres ne pouvant produire ces épines, & le pere Girard absent ne pouvant les donner, la Cadière elle-même devoit les placer dans sa coëffure. Lorsqu’on venoit être le témoin de ses prétendues extases, elle dupoit le public