Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/145

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qu’ils n’eussent point été forcés d’adopter comme article de foi une croyance ridicule, qui n’a d’autre fondement, d’autre réalité, que les écrits de quelques moines & les prônes de quelques curés de village, ils eussent nié totalement, qu’il pût y avoir des sorciers, & qu’aucun maléfice pût déterminer sa volonté. Je suppose qu’un philosophe, accoutumé à faire usage de sa raison, plaide le procès du pere Girard à l’audience du parlement de Provence. Est-il possible, dira-t-il, qu’on accuse des plus grands crimes un homme reconnu pendant cinquante ans pour vertueux, & qu’on n’en apporte qu’une seule raison contraire à toutes les notions évidentes ? Alors ce philosophe appelle à son secours la bonne philosophie.

« Voyons, dit-il, messieurs, le pere Girard a pû diriger la volonté de la Cadière, lui procurer des extases & des stigmates, des transpirations de sang, des couronnes d’épines qui sortoient de sa tête : lui étant absent & n’agissant que par le moyen des philtres.

« Il est certain que plusieurs liqueurs peuvent produire en nous des effets extraordinaires, & déranger notre situation coutumière. Les remédes que donnent les médecins, les poisons subtils dont les effets sont aussi prompts