Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/155

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miens. Il me répondit : « Tu sçais quel mouvement Dieu te donne, suis-le. »

Cette réponse tient autant du Normand que du diable. Arfaxa n’étoit point sot. Il craignoit d’être la cause de l’humiliation de son ennemi, & de lui ouvrir ainsi les portes du ciel.

Il ne vouloit pas non plus baiser les pieds d’un religieux qui se jouoit cruellement d’un diable qui avoit témoigné tant d’amitié pour lui. Il laissoit donc la question indécise, comptant que le moine ne se détermineroit peut-être pas. Mais il étoit trop fin pour ne vas attraper Arfaxa. Il se jetta à ses pieds & les lui baisa, dont ce diable enrageoit de tout son cœur. En suite, dit ce religieux, je lui commandai, par les reliques du pere Bernard, de baiser les miens ; ce qu’il fit avec grande promptitude.

Voilà, mon cher Brito, le comble du rafinement en malice ; & je suis assuré qu’Arfaxa ne s’attendoit pas au mauvais tour que devoient lui jouer les reliques du pere Bernard,

Je ne sçais si tu as fait attention à la prompte obéissance de ce diable, dès qu’on lui parla du squelette de Bernard. Il faut que la vertu en soit bien particulière, puisqu’elle peut influer sur les esprits infernaux. Cette histoire semble