Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/161

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inépuisables : elles produisent plus aux moines que le Pérou & le Brésil ne rendent aux Espagnols & aux Portugais. Le tout consiste à les faire valoir adroitement. il y a des religieux nazaréens qui sçavent tirer la quintessence de ces trésors ecclésiastiques. Ils exorcisent jusqu’aux bêtes, quand il n’est aucun nazaréen assez sot pour se persuader qu’il est démoniaque. Cela ne doit point te paroître extraordinaire ; car les diables font aussi quelques caravanes dans les corps des animaux, lorsqu’ils n’ont pas mieux à faire. J’ai lû dans un livre [1], qu’un démon possédoit une vache. Il se tenoit quelquefois dans son corps, & quelquefois il s’amusoit à pirouetter & faire la cullebute sur son dos. Un nommé Martin s’appercevant du triste état de cette pauvre bête, ordonna au démon de la laisser tranquille & de se retirer. Sensible aux bontés de ce Martin, elle vint poliment lui faire la révérence, se mit ensuite à genoux & mugit trois fois, pour lui montrer sa reconnaissance.

Quelque ridicule que soit ce conte, il l’est beaucoup moins que plusieurs autres dont le peuple chez les nazaréens est très persuadé. On lui dit gravement que ces histoires sont autentiques &

  1. Voyez la légende de S. Martin.