Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/168

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Avoues, mon cher Monceca, que ce trait va bien de pair avec ceux des moines nazaréens. Par-tout la superstition sert à l’avarice de certains hommes qui font de leur religion un commerce honteux, & se déshonorent aux yeux des gens sensés, à qui la fourbe est bien-tôt connue.

Les Egyptiens sont encore plus superstitieux que les Turcs : à peine les Espagnols les égalent-ils. Il semble que de tout tems ce pays ait été le centre des cérémonies ridicules, & qu’il ait voulu servir d’exemple aux autres nations pour leur montrer jusqu’où peut aller l’égarement de l’esprit humain. Les anciens Egyptiens adoroient les animaux les plus vils & les plus méprisables, les crocodiles & les ichneumons. Leur aveuglement s’étendoit jusqu’à déïfier les plantes.

O ! heureuse nation, dit Juvenal, en se moquant de ce peuple aveugle, qui voit croître ses dieux dans ses jardins.[1]

Je ne puis comprendre, mon cher Monceca, jusqu’où les peuples polis, éclairés par les sciences & remplis de génie, ont poussé leur aveuglement sur les idées qu’ils


  1. O sanctas Gentes, quibus nascuntur in hortis,
    Numina !
    Juv. Sat. XV.