Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/169

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avoient de la Divinité. Que des nations barbares aient donné dans certaines erreurs, j’en suis beaucoup moins étonné. Un homme capable de manger un autre homme, avec autant de sang-froid que s’il mangeoit un poulet, peut tomber dans les égaremens les plus grands, sans que j’en sois surpris. Mais qu’un peuple chez qui les arts & les sciences fleurissent, qui connoît & suit les principales & les plus belles loix de la morale, donnent dans les idées extravagantes de changer un veau en divinité, & de le nourrir avec soin dans un temple, c’est ce que je ne puis comprendre. Car comment se figurer qu’un homme qui fait usage de sa raison, qui élève son génie jusqu’au point de mesurer le cours des astres, de prédire & d’annoncer les éclipses par une exacte supputation, puisse croire véritablement qu’un dieu a un commencement & une fin, & qu’il vient sous la figure d’un veau, ruminer & brouter pendant l’espace de douze à quatorze ans ? Quelque aveuglés que fussent les Grecs & les Perses, ils l’étoient cependant beaucoup moins.

Cambyse étant à Memphis, après avoir fait la conquête de l’Egypte, ne sçachant la raison des réjouissances qu’il entendoit faire, & en ayant demandé la cause,