Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/175

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Dans ces assemblées & dans ces disputes, celui qui a la meilleure poitrine a toujours l’avantage & la raison de son côté.

Tu serois étonné, mon cher Isaac, de voir l’effronterie avec laquelle ces prétendus philosophes nient les choses les plus évidentes. Leurs distinctions mettroient ta patience à bout. Je ne suis pas surpris si autrefois la philosophie a généralement été méprisée en France. Que pouvoient penser les gens raisonnables de tous ce fatras d’êtres de raison, de secondes intentions, & de tant d’autres sottises ; qui pendant long-tems, ont fait l’occupation de tous les philosophes ? Il a fallu pour détruire les préjugés, que deux grands hommes [1] luttassent contre tous les faux sçavans de leur siécle : les forçassent d’ouvrir les yeux & de voir l’erreur où ils étoient plongés. Mais malgré qu’ils aient reconnu leur égarement, la plûpart ont été trop entêtés pour vouloir suivre la vérité qui les éclairoit.

Les préjugés de certains moines prévenus & ignorans m’étonneroient peu. Mais je ne sçaurois comprendre que des gens qui avoient du génie & de la pénétration, ayent été aveuglés jusqu’au point de croire qu’Aristote avoit été donné aux hommes comme une divinité

  1. Descartes & Gassendi.