Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée




LETTRE LXXIX.

Jacob Brito, à Aaron Monceca.

Dans le voyage que j’ai fait de Lyon à Montpellier, où je suis arrivé depuis deux jours, j’ai eu besoin des instructions que tu m’avois données sur les mœurs des François. Si je n’avois point été prévenu de leur caractère, je ne sçais ce que j’aurois pensé de la plûpart des gens avec qui j’ai voyagé.

Je partis dans le coche d’eau qui descend le Rhône, pour me rendre au Pont-Saint-Esprit. Nous étions plus de trente personnes dans ce bateau, femmes ou hommes. Il y avoit des prêtres, des moines, des nourrices, des soldats, des officiers, des marchands, des chiens, des chats, des écureuils : notre voiture ressembloit assez à l’arche de Noé. Je tâchai de me placer dans un coin, éloigné le plus que je pouvois du tapage que faisoient deux jeunes gens, qui se disputoient une place auprès d’une jeune fille assez jolie, qui, presque aussi étourdie que ces jeunes gens, rioit à gorge déployée de leur différend.