Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/183

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pour admettre par la déférence qu’ils avoient aux opinions de ce philosophe, le néant pour un premier principe des choses. Car, qu’est-ce que la privation de tous les êtres, sinon un rien, un pur néant ?

Montagne a fait l’horoscope de la destinée des principes de la philosophie d’Aristote, dans un tems où les nazaréens en général les regardoient comme des oracles infaillibles. Avant, dit cet auteur [1], que les principes qu’Aristote a introduits fussent en crédit, d’autres principes contentoient la raison humaine, comme ceux ci nous contentent à cette heure. Quelles lettres ont ceux-ci, quel privilége particulier, que le cours de notre invention s’arrête à ceux-ci, & qu’à eux appartient pour tout le tems à venir la possession de notre créance ? Ils ne sont plus exempts du boute-hors, qu’étoient nos anciens.

Ce que disoit Montagne est arrivé. Il prévoyoit que la raison perceroit enfin le nuage, il méprisoit lui-même la philosophie d’Aristote ; & il en connoissoit tout le foible.

Porte-toi bien, mon cher Isaac, & vis content & heureux.

De Paris, ce…

  1. Essais de M. de Montagne, liv. V.