Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/224

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grandes extravagances, & qu’elles sont inées avec elle.

Il est aisé de prouver, mon cher Isaac, que l’idée de la divinité n’étant point innée avec l’ame, il n’en est aucune qui le soit. Si l’être suprême eût voulu graver immédiatement quelques notions, il eût sans doute préféré de donner à l’homme une connoissance claire & distincte de la divinité, plutôt que de lui imprimer des notions de quelques principes généraux de morale.

S’il est vrai que nous ayions quelques-uns de ces principes innés avec nous, pourquoi les hommes pensent-ils si différemment sur les choses qui constituent le bien & le mal ! D’où vient que ce qui est blâmable dans un pays est regardé comme vertueux dans un autre ? Les Topinambous croyent s’ouvrir un chemin vers le ciel, en se vengeant cruellement de leurs ennemis. Le plus pieux & le plus brave d’entr’eux est celui qui en mange le plus. [1] Les Turcs, & sur-tout les Egyptiens, regardent comme saints des personnes qu’on brûleroit chez les nazaréens avec juste raison. [2]

Ils accordent les plus grands honneurs à des monstres qui font rougir

  1. Jean de Lerry, chap. XVI.
  2. Audivimus haec dicta & dicenda per interpretem Mucrelo nostro insuper sanctum illum quem eo loci vidimus, publicitus apprime commendari cum esse sanctum, divinum, ac integritate praecipuum, eo quod nec feminarum unquam esset, nec puerorum, sed tantummodo asellarum concubitor atque mularum. Beaumgartem, Lib. Il. cap. I. Pag. 73.