Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/229

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Dans la foule de masques, la duchesse est confondue avec la bourgeoise, le courtaut de boutique avec le grand-seigneur ; c’est dans ces sortes d’assemblées que l’amour, la joie & les plaisirs, égalent tous les hommes.

Les Parisiens ont un respect profond pour quiconque porte un masque sur le visage. Les équivoques qui sont arrivées quelquefois, les rendent très-prudens. Si l’on avoit moins de circonspection, on manqueroit souvent aux attentions qu’on doit aux personnes distinguées, en croyant agir & parler familièrement avec de simples particuliers.

La retenue qu’exige l’habit de masque occasionne souvent les plus plaisantes aventures du monde, dans un pays où la galanterie & l’amour sont l’occupation des trois quarts des habitans. Une jeune femme, dont le mari bourru méritoit d’essuyer par sa mauvaise humeur le sort de l’infortuné Vulcain, attendoit pour favoriser un amant qu’elle aimoit, la commodité du bal. Elle étoit sans cesse gênée & obsédée par son jaloux.

Il falloit qu’elle eût recours à des moyens extraordinaires, pour se délivrer de ses persécutions, & mettre sa prévoyance en défaut. Elle écrivit à son amant, qu’elle se trouveroit au bal masqué en domino