Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/230

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vert, & qu’elle se placeroit dans la troisiéme loge à la droite du théâtre. L’amant attendit avec une impatience infinie le moment du rendez-vous. Dès qu’onze heures sonnerent, il vola plutôt qu’il ne courut à l’opéra. En entrant dans la salle, il jetta les yeux sur la troisiéme loge, & y apperçut un masque en domino vert. Il ne douta point que ce ne fût sa maîtresse chérie. Il l’aborda d’une manière vive, lui dit ce que l’amour inspire de plus tendre. Le masque garda le silence, & ne répondit point. L’amant, étonné de cette froideur, se plaignit d’une indifférence qu’il n’avoit point méritée. Eh quoi, lui dit-il, madame ! Est-ce-là ce moment fortuné, que j’avois si fort souhaité ? Ne m’avez-vous averti que vous viendriez au bal que pour jouir du plaisir de me percer le cœur ? Grace, madame ? Par où ai je pû vous déplaire ? Vous ne dites rien ! Ah ! ce silence me désespère. Pour prix de tant d’amour… Le cavalier nazaréen eût poussé ses plaintes beaucoup plus loin ; mais il fut interrompu par un grand éclat de rire que fit le masque auquel il parloit. Il en fut très-surpris. Mais son étonnement fut bien plus grand, lorsque la rieuse s’étant démasquée, il reconnut sa femme dans la personne qu’il croyoit être sa maîtresse. Il fut bientôt remis de son trouble. L’infidélité