Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/238

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par les inquiétudes & les soins du ménage. Quelque pauvre qu’il soit, dès qu’il est seul, il ne peut aisément se suffire à lui-même : mais ce n’est plus la même chose lorsqu’il est marié. S’il est riche, il est encore accablé de plus d’embarras : l’avancement de sa famille, l’établissement de ses enfans, les fantaisies & l’ambition de sa femme, toutes ces sortes de choses l’agitent, le tourmentent, quelque maître qu’il soit de lui-même & de ses passions. Je suis assuré que plus d’une fois Socrate malgré son phlegme philosophique, eût voulu voir sa femme à tous les diables. S’il ne le disoit pas, crois-moi, mon cher Isaac, il n’en pensoit pas moins. Si c’étoit la mode en France de pouvoir vendre sa femme, lorsqu’on en est ennuyé, je connois beaucoup de sçavans, qui donneroient la leur à grand marché : & si ce privilége n’étoit accordé qu’aux gens d’étude, pour acquérir un si beau droit les François les plus fainéants cultiveroient bientôt les sciences.

Porte-toi bien, mon cher Isaac. Vis content & heureux.

De Paris, ce…