Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/243

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à communiquer aux hommes les connoissances qu’ils ont acquises, n’avoient simplement agi que par l’amour de la sagesse, ils n’auroient pû s’empêcher de faire ces réflexions, & par conséquent ils eussent cru qu’il étoit cent fois plus utile de leur enseigner l’art de vivre heureux & tranquilles, que celui de courir après la découverte de quelques vérités dont la connoissance est assez inutile, & ne s’acquiert que par des peines infinies.

Profitez, leur eussent-ils dit simplement, de l’instant présent. Soyez vertueux ; attachez-vous à votre devoir, & ne perdez pas inutilement des momens que vous ne recouvrerez plus. Le tems s’écoule ; & dès que votre cœur n’est point troublé par les remords du crime, que vous suivez les loix de la probité, vous avez tout ce qu’il faut pour en jouir. L’application à des sciences infructueuses ne serviroit qu’à vous ravir le bien présent, sous l’espoir d’un bonheur futur & imaginaire. Les hommes sages n’ont besoin de rien : les philosophes ont besoin de tout. Si vous ne cherchez qu’à jouir paisiblement des faveurs que le ciel vous a accordées, votre félicité est dans vos mains. Vous n’avez qu’à en faire usage. Le sort de l’humanité seroit bien malheureux si son bonheur dépendoit de la connoissance des choses qui lui sont entiérement étrangères.