Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/248

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réflexion aux douleurs qu’il alloit souffrir, il s’écria : Ah Dieu ! A quel supplice suis-je destiné ? Un prêtre qui l’avoit suivi jusques sur l’échafaud pour tâcher de l’exhorter à reconnoître l’existence de la divinité, saisit l’occasion que lui fournissoit l’exclamation de Vanini. Il y a donc un Dieu, lui dit-il, vous l’appellez ? C’est une façon de parler, répondit l’athée, qui ne tire point à conséquence.Ce furent-là les dernières paroles qu’il prononça. Les flammes du bucher, qu’on alluma dans l’instant, l’empêcherent de continuer à débiter ses blasphêmes. [1]

  1. Ce fait paroît directement opposé à ce que dit Moréri ; il assure qu’on coupa la langue à Vanini. Comment put-il donc parler lorsqu’on l’attachoit au bucher ? Pour accorder ces différens récits, il faudroit supposer que Vanini tînt ce discours quelques momens avant qu’on lui coupât la langue ; & que dès l’instant qu’il eût souffert ce premier supplice, on alluma le bûcher. Aaron Monceca, à qui j’écrivis à Constantinople pour avoir quelque explication là-dessus, me répondit qu’il avoit lû le fait qu’il avançoit dans un fort bon auteur, dont il lui étoit impossible de se rappeller le nom. Il ajoûta qu’il se souvenoit des termes originaux de la conversation. « Ah Deus ! Ergo est Deus, dixit presbyter ? Modus est loquendi, respondit Vaninius. » J’avois eu envie de supprimer ce fait ; mais après la réponse d’Aaron Monceca, je crois devoir le traduire tel qu’il étoit.